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LÉA (et trois points de suspension...)

LÉA (et trois points de suspension...)

LÉA (Trois points de suspension)

 

Après la séance de pose je l’ai aidé à remettre son perfecto noir sur les épaules. Elle s’est retournée vers moi et, subitement, elle a déposé un baiser sur mes lèvres, comme une envie irrésistible. Je l’ai prise dans mes bras et l’ai serré contre moi comme on prend on petit animal calin. Moi, je  pensais que c’était si étrange, cette nana de 20 ans de moins que moi, si belle, si douce, m’embrasse ainsi d’un baiser de lycéenne. Ma tête flottait dans les cheveux blonds et bleus de cette fille sortie d’un de mes rêves. Je souriais de me sentir amoureux de cette gamine de 30 ans comme si j’avais 17 ans.

 

Je l’ai ramené chez elle. Sans un mot. Dans la voiture résonnaient ces morceaux rocks, Garbage, Last Train, Offspring, que nous avions écouté toute l’après midi, pendant qu’elle posait à demie nue pour la première fois pour moi, devant mon chevalet. Je l’avais croqué au fusain, me concentrant sur mon trait, sans vouloir voir toute la sensualité qu’elle déployait. Un monochrome lumineux !

La voiture glissait dans les rues éclairées de ce début d’été. Parfois on se regardait, éblouis. Parfois elle mettait sa main sur la mienne qui tenait le volant ou le levier de vitesse. Pas de mots, juste une belle atmosphère.

Arrivé dans sa rue, devant la porte de son immeuble, j’ai laissé tourner le moteur. Elle s’est retournée vers moi pour me demander :

  • Tu montes boire un verre ?
  • Non, pas ce soir. Laisses moi un peu le temps de savourer. On s’appelle

Elle a fait un sourire du genre « T’es incroyable ! »

Incroyable, oui. Une si jolie fille me propose de venir boire une verre chez elle après m’avoir encore embrassé et moi, je refuse, je lui dit « Non, pas ce soir ! » !!. Surement l’âge !

 

Le lendemain soir, tard, c’est encore elle qui m’a appelé sur mon Smartphone. C’était donc bien vrai !

  • Ça va ?
  • Bonjour muse. Et toi… ?
  • J’ai envie de te voir. Pourquoi t’as pas appelé ?
  • Les filles en premier ! Tu fais quoi demain midi …?
  • En général je dors encore à midi. Pourquoi ?
  • On peut prendre le p’tit dèj’ ensemble... ?

Je l’ai senti rire

  • Je passe te prendre et on se fait un resto ou un café crème croissant…
  • Ok. Tu passes à quelle heure ?
  • Je t’ai dit : midi…
  • Pas avant ?
  • Ben non, si tu dors…
  • Je ne dormirais pas.
  • Midi moins le quart…

Elle rit encore. « ok ! ». Ya eu un silence puis elle me dit :

  • Ça va être long jusqu’à demain
  • Pour moi aussi. N’en disons pas plus. Demain nous aurons tout notre temps. Laisses moi encore apprécier ton absence, ton baiser….

 

Le lendemain, comme convenu, j’étais à midi moins le quart à la porte d’entrée de son immeuble où je l’avais vu rentré 2 jours avant. Quand elle a ouvert la porte elle s’est jeté dans mes bras et s’est mis à m’embrasser follement. Moi aussi. Comme si nous allions faire l’amour là, de suite, sur le trottoir ! Puis elle m’a demandé :

  • On va où ?
  • Je connais un super resto à Barcelone….
  • T’as pas plus prêt ? ce soir je bosse !

Nous avons trouvé un petit bouchon avec une arrière cours et une table pour 2 sous un lilas en bourgeons. Un coin qui pourrait être sur une carte postale ou un docu de Géo Magasine sur "Lyon (ses coins secrets)".

J’avais l’impression qu’elle me regardait comme une icône, avec des yeux de groupie. Je ne savais pas quoi faire de ce regard. Plus l’habitude. Alors je lui ai parlé des dessins que j’avais fait, du roman que j’avais commencé à écrire, des poèmes que je n’arrivais pas à écrire depuis 2 jours.

  • Tu es si belle…
  • Et moi je t’aime depuis si longtemps !

Elle s’est mise à me raconter combien elle était amoureuse de moi depuis si longtemps, depuis qu’elle m’avait vu dans une de mes expos pendant laquelle je présentais également mon premier recueil de poésies illustré. Elle n’était qu’une ado. Je l’ai regardé me dire tout ça, je l’ai regardé manger, je plongeais mes yeux dans les siens si grands. Je me sentais ridicule et paralysé par tout ça, par cette beauté rock, un peu punk. Je me disais que j’étais en train de vivre dans un film de Godard ou un truc comme ça. Et je l’entendais dire qu’elle était folle amoureuse de moi, Oui, fallait vraiment être frapa-dingue !

Devant ces grands yeux noirs j’ai eu la sensation d’avoir encore mes vingt ans ou la timidité ravageuse de mes trente ans, comme elle.

  • Je suis folle amoureuse de toi ! Tu es un rêve qui se réalise !

« Et moi donc ?! » pensais je. Avant elle je n’imaginais même pas que je puisse connaître, encore une fois dans ma vie,  l’ivresse absolue de l’amour. J’avais fini par n’avoir plus qu’un regard purement artistique, esthétique, sur la beauté de ces jeunes femmes, de ces filles qui, parfois posaient pour moi. J’avais fini par m’éloigner de la passion au point de l’oublier. Et là, j’étais en train de prendre le temps de gouter ses mots, et de trouver les miens ! Car il fallait lui dire que j’avais aussi besoin de ne rien précipiter, pas de projection vers un avenir, quel qu’il soit. Même si je n’étais plus aussi certain de mes choix de vie !

  • Je ne peux pas te promettre que je me marierais avec toi, je ne peux pas te promettre de vouloir un enfant avec toi, je ne peux pas te promettre de devenir riche et célèbre,  mais je peux te promettre que nous serons l’un pour l’autre la plus belle des histoires, sans prisons, sans jalousie, juste l’amour le plus pur !...
  • Comme Charlie et Oona 
  • Oui, comme Charlie et Oona. Les enfants en moins!

Elle a rit devant ma mimique d’apeuré !  J'étais surpris qu'elle connaisse la belle histoire d'amour entre Charlie Chaplin et sa dernière femme de 40 ans plus jeune que lui et avec qui il a eu 8 enfants.

Nos mains se caressaient, signe extérieur de joie incontrôlable ! Et elle finissait toujours par plonger ses grands yeux de velours et sa fine bouche rose dans mon regard. Merveilleux et intense.

 

 

Nous sommes partis du resto et nous avons marché dans la rue main dans la main. Il me semblait que tout le monde regardait notre bonheur avec envie et tendresse. Arrivés devant la porte de son immeuble elle m’a plaqué sous le petit porche et m’a embrassé sauvagement en tenant le col de ma veste.

  • Montes ! Viens me baiser !

Ciel qu’elle était belle ! Désirable ! Nous avons fait l’amour comme si on se mangeait, comme si nous sortions de prison.

Après l’amour nous sommes resté allongés comme pour reprendre notre souffle. Un silence. Un regard. Un autre silence. Un sourire. Je regardais son corps, ses seins fermes et ronds, ses hanches fines et sa petite toison sombre et légère. Un corps à me rendre dépendant, complètement addict ! C’est elle qui s’est levé pour aller faire bouillir de l’eau et faire un thé vert.

  • Je dois aller travailler dans une heure. Le doux métier d’infirmière de nuit !. Je te dirais bien de rester mais je n’ai qu’un trousseau de clés. Le double est parti avec mon dernier mec !
  • Tu donnes trop vite tes clés ! Rien ne presse, au contraire. Je vais aller chez moi…
  • Tu bois un thé avec moi avant de partir… ?
  • Non, merci… Sinon tu va arriver en retard et la santé c’est important !...

Elle était toujours nue devant moi, dans sa cuisine américaine. Je l’ai prise par les hanches et j’ai déposé un baiser sur chacune des auréoles de ses seins droits et arrogants.

Elle m ‘a murmuré :

  • je suis amoureuse
  • Moi aussi. C’est fou comme je suis amoureux. Justement. Laisses moi du temps. Ça fait si longtemps que ça ne m’était pas arrivé un tel amour, ce rêve éveillé ! J’avais fini par mettre l’amour dans un tiroir, celui des souvenirs…Et te voilà pleine d’avenir…
  • Encore des points de suspension.
  • Ce sont de l’espoir les points de suspension…

J’avais mis ma veste et j’ajustais mon bandana noir. Elle s’est jetée sur moi, nue et belle, en m’embrassant comme si nous allions refaire l’amour.

 

Quand je suis rentré chez moi il y avait déjà quatre sms sur mon portable. Des sms de lycéenne. Je lui ai répondu par un sms : « Non, pas comme ça. Juste pour de vrai. Chuuuuut ». Et les sms se sont arrêtés.

Après une nuit d’insomnie à cause de la surcharge de bonheur, j’ai fini par me lever vers 5 heures du mat’. J’ai pris une douche et un café. Je me suis habillé et je suis parti à pied en me dirigeant vers la sortie de la ville avec mon sac à dos et une pancarte : Espagne. J’ai tendu le pouce. Arrivé à Montpellier j’avais 3 sms. J’ai pris un billet de train pour Bayonne puis je lui ai envoyé un sms : «  Je suis parti. Je vais à Bayonne. Je t’appelle demain ». Elle m’a répondu par 3 points de suspension.

Le lendemain, après une nuit à Bayonne, je me suis mis à marcher vers l’Espagne en suivant les flèches jaunes du Camino del Norte, en direction de Santiago. Vers 15 heures j’étais à Guétary au milieu des surfeurs et je l’ai appelé. Le téléphone a sonné longtemps avant de répondre comme un cri :

  • T’es où ?
  • Sur la côte basque. Je n’arrête pas de penser à toi
  • Moi aussi, ô moi aussi. Pourquoi t’es parti ?

J’ai senti comme si je la voyais, des sanglots inonder son smartphone.

  • C’est moi... J’aime partir. Quand je vis de mauvaises choses ou quand je vis de belles choses. Aussi belle que celles que tu me donnes. C’est ma façon à moi de les vivre. De mettre du temps entre moi et ces choses là aussi belles qu’elles puissent être…
  • Purée t’es tordu ! Je ne comprends pas. C’est tout simple pourtant : je t’aime.
  • Y a rien à comprendre. J’ai besoin de mettre des points de suspension
  • Et ça va être long tes points de suspension ?
  • Peut être jusqu’à Bilbao, Oviedo ou même Santiago, 15 jours ou 2 mois.
  • Je t’aime
  • Chuuuut ! Moi aussi. Tu peux pas savoir…
  • Tu le fais exprès, pour que je t’aime encore plus fort !

Y a eu un long silence. Puis je lui ai dit

  • J’ai besoin de ça
  • J’ai besoin de toi

Il y a eu un autre silence.

  • Tu vas être amoureuse comme jamais tu l’as été. Je veux que tu sois ma dernière histoire d’amour.
  • Je vais t’en mettre pour 20 ans, non, 50, non à perpette !

J’ai rit.

  • Fais moi confiance.
  • On s’appelle parfois… ?
  • Ok.

 

J’ai marché doucement, en faisant des étapes de 15 km, 20 maxi. J’ai rencontré un américain et des jeunes allemands avec qui je fumais un pétard à l’arrivée des étapes.

C’est elle qui m’a appelé la deuxième fois alors que j’étais vers Guernica. Elle m’a semblé apaisé. Elle m’a posé des questions sur les étapes à venir. Bizarre. Elle m’a dit qu’elle avait pu récupérer le double de ses clés chez son ex !. Avant de raccrocher je l’ai retrouvé telle que je l’aimais quand elle a crié comme si elle chantait un morceau punk « Je t’aime, vagabond ».

 

Avant l’entré à Bilbao j’ai rencontré Silvio, un italien très sympa et philosophe. Je suis arrivé avec lui à Castro Urdiales, une station balnéaire avec beaucoup de charme. Le soir nous sommes allé prendre un verre sur le port assis à une table en terrasse face à la mer. J’étais en train de raconter à Silvio, en anglais, ma belle histoire d’amour quand une voix est arrivée derrière nous :

- Vous avez du feu ?

Je me suis retourné en me levant de ma chaise, un peu groggy car cette voix c’était la sienne. Elle était là ! Magique !

  • J’en ai partout du feu !

On s’est enlacé comme des amants d’un film français, devant Silvio souriant, devant tous ces espagnols, devant l’océan. Comme si nous dansions. Nos bouches gourmandes pleuraient de bonheur.

  • Comment t’as fait ?
  • Facile ! Je t’ai suivi. Je savais bien qu’au bout d’un moment je te rattraperai et que j’attraperai tes points de suspension…
  • T’es folle !
  • Oui, et t’en a à perpette !

Le lendemain matin nous avons dit au revoir à Silvio et nous sommes restés à Castro Urdiales.

Nous y sommes encore, chaque année d’avril à fin septembre, depuis 4 ans et trois points de suspension. J’y ouvre une « albergue ». Elle me rejoint quand elle peut, pour quelques jours. Le reste du temps ?.... c’est comme le temps qui reste, on ne s’en soucie jamais.

 

 

 « Quand tu aimes il faut partir » Blaise Cendrars

 

 

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