LOU
Elle est arrivée dans le village comme si elle avait fui de quelque part. Elle avait emménagé dans une maison du centre, louée à la mairie, dans une de ses rues où les voitures ne passent pas car trop étroites mais où les touristes aiment se promener. Au rez de chaussée elle avait fait son atelier de poterie ouvert sur une petite boutique. En face de son magasin il y avait une relieuse d’art et le bar du village faisait angle au bout de la rue qui donne sur la place. Son arrivée n’était pas passée inaperçue et elle était attendue. Son look un peu hippy jusqu’à sa voiture, une dedeuche qu’elle avait elle même peinte avec des formes géométriques colorées invoquant les tissus amérindiens et, par dessus tout, sa beauté magnétique renforcée par un éternel sourire avaient incité la curiosité à la vitesse d’un vent de sable.
La première fois qu’elle l’avait vu, elle en a de suite été troublée. Elle était venue à la mairie où il travaillait comme secrétaire. Et elle a aussi senti un effet boomerang, comme si son coup de foudre été partagé, comme s’il lui revenait après avoir atteint sa cible.
En remplissant quelques formulaires ils ont pu partager quelques plaisanteries car bien sûr ils avaient le même humour. Il avait ainsi pu apprendre qu’elle était mariée et qu’elle était la maman de 2 enfants, 17 et 14 ans, un garçon et une fille. Quand il lui a demandé si sa famille allait venir la rejoindre bientôt et qu’elle lui a répondu que c’était un choix de vie, il s’est demandé comment pouvait-on laissé partir une si jolie femme. En fait elle ne donne pas trop le choix : elle décide et les autres s’adaptent et elle accepte la réciproque sans problème, adepte du respect de la liberté de chacun. Et ça lui allait bien : elle été si épanouie qu’elle en été encore plus désirable. Et pourtant on l’a sentait inaccessible, pas comme une allumeuse, ni comme une allumée mais un peu comme une B.B dans les années 60.
Ils ont été emmenés à se voir plusieurs fois encore, à échanger un peu plus, à boire un verre chez elle, à découvrir qu’ils avaient tant de choses en commun. Il adorait son rire et en même temps ça le mettait dans la terrible frustration de ne pouvoir l’embrasser. Il était évident qu’ils s’empêchaient de s’aimer. Lui, habitait le village, à 500 mètre à peine de chez elle. Il avait toujours habité le village. Il était né ici, ses parents vivaient ici, il a épousé une fille d’ici, ses amis avaient fait construire ici comme lui, sa fille allait à l’école d’ici comme lui, il va au club de judo du village. Avec sa femme, aide soignante à l’hôpital le plus proche, ils avaient construit eux mêmes leur belle maison avec l’aide de quelques potes. Et voilà que cette nana se rapplique ! Non seulement elle était belle comme la plus belle des amazones, mais en plus elle vivait sa vie comme il aurait aimé vivre la sienne. Depuis quelques temps il se posait des questions sur sa vie et la voilà !. Ô il était pas mal dans cette vie sans surprises car sans risques, mais sans risque. Parfois même il y était très bien, c’était facile, il y avait juste à se laisser porter par ce long fleuve tranquille, rassurant. Les vacances en Italie dans une maison de famille de sa femme qu’ils retapaient petit à petit étaient les moments les meilleurs de l’année. Sans savoir pourquoi il en revenait toujours plus amoureux de sa femme qui était d’une gentillesse infinie. Le reste de l’année ils allaient parfois passer les week-end chez son frère qui habitait en Camargue et avec qui il partageait une vrai complicité depuis toujours. Leurs 2 filles s’entendaient très bien, comme des sœurs du même âge, par contre leurs femmes étaient très différentes mais se respectaient mutuellement. Son frère est plus qu’un copain !. Et sa femme et sa fille étaient comme des boucliers contre toute tentations ou tentatives extérieures. Il était là comme ignorant qu’il était bel homme autant qu’il avait été un très beau jeune homme. Mais il en avait jamais abusé ou profité. Il avait eu un amour adolescent très fort qui a duré des années jusqu’à la fac et la déception avait été brutale. Puis il est sorti avec celle qui allait devenir sa femme dans une fête du village, en été. Et tout ça lui a surgit en pleine gueule quand il parlait avec elle. Il s’est aperçu qu’il avait encore envie de cette envie de folie adolescente, d’une fureur de vivre, qu’il commençait à s’enfermer dans une petite mort.
Deux mois après son arrivée au village elle organisait un cocktail, un vendredi soir, pour l’ouverture de son magasin. Entre temps ils s’étaient revus plusieurs fois. Elle était certaine maintenant que c’était un coup de foudre. Mais elle ne voulait rien entreprendre avant lui. Elle ne voulait pas être celle qui casse un couple modèle. Elle voulait une très belle histoire et le village lui paraissait encore plus beau, parfait pour une belle histoire. Mais elle aussi elle hésitait. Son mari, ses enfants. Et ce mot « tromper » qui gâchait la pureté de ce nouveau bonheur. Mais c’était une histoire vouée à se cacher, à rester secrète. Une folie. Et elle avait beaucoup d’attirance pour ce genre de folie même si elle était resté fidèle à son mari,…jusqu’ici !. Mais là, ce soir là, elle voyait bien qu’il l’a regardait sans cesse. Alors quand tout le monde était parti et après qu’il l’ai aidé à ranger ils se sont enlacés, ils s’embrassaient gourmands, impatients. Ils craquaient ensemble. Et ils se murmuraient dans l’oreille « non, il faut pas. C’est pas bien. Oui, on le sait ce n’est pas bien » puis les soupirs, les « je t’aime ». Il s’était tellement enivré de son regard qu’il n’avait jamais remarqué la beauté de ses seins qu’elle lui offrait maintenant.
Elle a vécu quatre ans sur un nuage. Elle resplendissait de bonheur et lui aussi. Quand il lui faisait l’amour c’était toujours des délices jamais atteins. Et ce jeu de cache-cache avec le reste du village ne lui avait pas déplu. Personne ne devait savoir. À part son amie la relieuse, très complice de ce bel amour secret et qui leur servait parfois d’alibi. Quatre années folles, avec ce plaisir immense de braver l’interdit pour s’aimer. C’était vraiment de très beaux amoureux.
Jusqu’à cet fin d’été où, comme tous les étés, il revenait de 3 semaines de vacances en Italie, en famille. Elle était impatiente de son retour. Mais au bout d’une semaine il n’était toujours pas venu la voir. Et quand ils se sont vus sur la place de la mairie, une fin d’après midi, elle l’avait trouvé triste et distant. Un soir, pendant les vacances, il avait eu une discussion un peu houleuse avec sa femme qui semblait avoir une bonne intuition féminine. Il avait compris qu’il était arrivé au moment du choix à faire. Il avait choisi la sécurité, revenir à ce qu’il avait toujours connu. Il avait fait ce choix sereinement, en sachant que jamais plus il ne revivrait un amour aussi intense et aussi érotique. Mais, passer une vie à se cacher, à mentir, était au dessus de ses forces. Et il ne voulait pas tout quitter et faire le grand saut vers l’inconnu même si l’inconnu avait le plus beau visage de l’amour. Alors…. ? Alors il tua l’amour le plus beau en lui disant « je ne t’aime plus, j’aime plus fort ma femme » en ajoutant qu’ils pouvaient rester les meilleurs amis du monde.
Elle était complètement perdue, triste à l’infini, sans pouvoir en parler à personne. Elle aurait fait tout ce qu’il aurait voulu pour le garder encore, l’avoir encore quelque fois,…ou, au moins, qu’il lui fasse encore l’amour une fois, une seule fois. À peine deux semaines après, du jour au lendemain, elle a fermé son magasin. Elle lui a fait une lettre qu’elle ne lui donnera jamais et elle est partie du village.
Deux ans et un divorce après, c’est en faisant le Chemin de Compostelle, sur le Camino Primitivo, dans les Asturies sauvages ; qu’elle a rencontré David. Il avait une petite auberge pour pèlerins assez renommée pour sa bonne humeur et l’endroit paisible. Ils se sont aimés, elle est repartie finir son chemin jusqu’à Fisterra et elle est revenue. Elle se sent bien avec David. Il l’aime comme un fou. Ils s’entendent bien et la vie est très vivante en Espagne.
Hier, il est arrivé ce que la vie donne rarement ou alors c’est pour le reprendre. Quand elle l’a vu débarqué sous son chapeau australien et son gros sac à dos, il lui a semblé que ce n’était qu’une ressemblance. De son côté il s’est immédiatement figé quand il l’a reconnue. Aucun des deux ne voulait croire à ce moment étrange. Ils se sont embrassés un peu comme des amis, un peu comme des fantômes. Elle lui a présenté David. Et ils ont passés le soir, la nuit, sous les étoiles, à parler de leur vie, de leur séparation, des bons souvenirs, de son divorce et des enfants, …Magique.
Ce matin, après le petit déjeuner, il a attendu que tous les pèlerins partent pour mettre son sac à dos sur ses épaules. Elle s’est mise sur la pointe des pieds pour lui faire un baiser éclairs sur les lèvres. Ils se sont souris et il est parti. Elle se disait « s’il se retourne je pars avec lui ». Il s’est retourné, elle lui a sourit encore et elle n’est pas partie. Elle avait compris que cette rencontre n’était pas due au hasard. Il n’y a jamais de hasard sur ce chemin là.